De l'autorité divine ou de la liberté satanique
On a souvent tendance à appréhender de la plus mauvaise des façons les questions qui nous taraudent. La croyance que la weltanschauung n'est claire et juste que si
on le prend sous une perspective "manichéiste" apparaît à chaque bout de champ. Il s'agit alors de diviser le monde. Prendre un mot puis l'opposer à son antonyme. Bien ou Mal. Con ou sage.
Blanc ou noir. Heureux ou malheureux. Parbleu ! Ce n'est pas parce que je ne suis pas heureux qu'en conclusion je suis malheureux. Ce sont des raccourcis de l'esprit qui peuvent nous coûter la
vie. Et si l'on essayait d'être attentif aux détails ? Car il me semble que les choses sont si fines d'analyse qu'une combinaison de mots uniquement ne peut sonder...
L'homme moderne donc s'est incessamment efforcé de faire avancer le Schmilblick sur une question qui, même dans sa composition syntagmatique, pose
problème : "Peut-on être libre en se soumettant, donc en croyant, à une divinité ?" Il y a un arrière-goût, une chose qui cloche, un bout de cette question qui me reste
sous la dent. Et c'est sûrement cette idée, celle qui leurre presque toute l'humanité, celle-là qui a fait saliver des tonnes de penseurs, des siècles durant, celle qui est au centre de la pensée
humaine, dont Paul Valéry disait être "l'un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens". Je parle bien évidemment d'elle : la
liberté. Il me serait insupportable de faire un exposé sur ce qu'elle peut être. Que ce serait ennuyeux ! On serait tenté de n'être plus libre que de la définir, de lui trouver un sens.
Toutefois, il n'est pas toujours impossible d'en parler sous cet angle. La croyance. La religion. La spiritualité. Toutes ces artilleries pour flinguer l'énigme qui se cache derrière le
concept.
Je parcourais il y a quelques jours un réseau social où deux quidams discutaient à peu près sur la question. Les idées tombaient. Les deux soldats ripostaient
chacun à son tour quand l'autre achevait de le frapper à coups d'arguments. Il y eut des cris. Des os cassés. De la salive partout. Et du sang qui giclait sur le mur de ce réseau social. Je vous
expose le combat d'idées.
L'un affirmait substantiellement qu'il préférerait ne pas croire en Dieu que de n'être pas libre, au bout du compte. Son explication est simple et obsolète : les
dogmes. On ne peut vivre libre en se soumettant à une divinité avec des dogmes ; s'y soumettre est une forme de consentement esclavagiste. Vivre libre donc équivaudrait à se départir de toute
forme de soumission à des dogmes. Car, selon lui, cela restreignait notre marge de manoeuvre, notre possibilité de faire ce que l'on veut, ce que l'on désire. L'homme qui a sa raison et son
libre-arbitre ne devrait pas donc être contraint de se limiter à vivre avec des dogmes imposés par un supposé Être supérieur.
La réponse de l'autre ne se fait pas attendre : "Il n'y a d'autorité sans dogmes". Le coup envoyé était sobre, concis et pourtant très puissant. Il
s'explique :
"Quelle liberté espérer si l'on n'est pas libre avec soi-même ? Quelle liberté espérer si l'on est prisonnier, jusqu'aux moelles de l'os, de nos désirs ? Cela n'est
pas possible. Cette liberté, tu ne l'auras pas. Espérer seulement, sans pour autant l'avoir. Car Satan vous fera croire que la seule façon d'être libre, c'est d'accepter de vivre dans sa demeure.
La demeure du désir. La demeure de la satisfaction des pulsions. Résultat ? On finit par être dépressif, incohérent avec soi-même, chercher désespérément et constamment le bonheur que l'on ne
pourrait goûter que par petits instants. Solution ? Vivre avec la foi. Croire en Dieu. Et se soumettre à son autorité. Car il ne saurait nous dicter ce qui pourrait nous nuire. Les dogmes, donc,
apparaissent comme une sorte d'orientation qui nous évite de tomber dans le piège des chiffres, de la quantité et de la chair. Il vaudrait alors se soumettre à cette autorité divine que de
poursuivre une liberté satanique que l'on n'atteindra jamais."
C'était dit ! Le sang coulait par terre. Mais l'autre guerrier refusait de lâcher l'épée. Ah ! L'homme... Toujours montrer sa supériorité par le débat. Et ainsi,
ils s'aventuraient à discuter sur des questions qu'eux-même ne pourront apporter des réponses pertinentes : "Comment définis-tu Dieu ? Satan ?", "Es-tu organique ou mécanique ?", etc. Je vous
épargne la suite.
Et si vous tiriez votre coup de fusil, qu'on en finisse pour de bon ?